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©Valentina Jouravleva, Les Nouvelles De Moscow, 1er janvier 1960.
Tradiction de N.Novikov, 1960.
RAPSODIE STELLAIRE

Cette nuit-là le temps était d’un calme rare à Moscou. Les nuages qui, la veille encore, pesaient lourdement sur la ville, s’étaient doucement écartés comme un rideau de théâtre pour découvrir un ciel constellé d’étoiles. Les sapins argentés montaient leur garde vigilante au pied des murs du Kremlin, attendant la venue du Nouvel An. De temps à autre, un faible vent secouait leurs branches d’où la neige tombait en flocons. Mais les passants ne remarquaient pas la beauté de cette nuit. Ils étaient pressés. Avant le Nouvel An, il ne restait plus qu’une demi-heure. Bruyante, chargée de paquets, animée, la foule s’affairait de plus en plus.

Seul un homme flânait. Ses mains étaient profondément enfoncées dans les poches de son pardessus et sous les bords rabattus de son chapeau deux yeux brillaient, attentifs. Dans la foule beaucoup reconnaissait son visage amaigri et sa barbe noire. Il tourna dans une ruelle. Là, il n’était plus nécessaire de répondre aux multiples salutations, d’expliquer aux connaissances pourquoi en cette nuit de Nouvel An il préférait errer dans les rues. Le poète Konstantin Roussanov, c’était lui, ne savait pas lui-même quelle force l’avait obligé à rechercher la solitude en cette soirée.

Il ne voulait pas penser à ses vers. Peut-être, était-ce la fatigue. Ou peut-être, un peu de mélancolie. Cette nouvelle année allait être pour lui la soixantième.

Roussanov marchait en écoutant distraitement la neige craquer sous ses pas. Soudain, une forteresse de neige lui barra le chemin. Sous la lumière d’un lampadaire elle étincelait de tous ses cristaux. "Ils ne l’ont pas terminée", pensa Roussanov qui avait remarqué tout près une luge et une pelle d’enfants. Il eut l’idée d’achever l’ouvrage. "Les gosses seront étonnés demain..."

Il se pencha pour prendre la pelle, mais au même instant quelqu’un le heurta. Il tomba dans la neige et entendit un bruit de verre brisé et une exclamation.

- Oh, excusez-moi ! ...

La voix était si gênée que Roussanov n’eut pas à coeur de se fâcher. Des mains l’aidèrent à se relever. Une jeune fille de petite taille était devant lui. Les yeux de l’inconnue exorimaient une extrême confusion.

- Excusez-moi, murmura-t-elle encore.

Elle fit prudemment le tour de Roussanov et ramassa un petit paquet tombé au pied du lampadaire. Roussanov entendit un soupir.

- Ça y est... Elle est brisée, dit l’inconnue d’une voix peinée.

Roussanov se sentit fautif.

- Qu’est-il donc arrivé ? demanda-t-il.

- Je portais une plaque, expliqua la jeune fille. Un négatif, vous comprenez ?

Elle développa son paquet. Le négatif avait un aspect étrange: sur le fond noir on apercevait une bande plus claire avec des lignes blanches.

- Qu’est-ce que c’est? s’étonna Roussanov.

- Un spectre. Vous comprenez, le spectre de l’étoile Procyon.

Roussanov regarda l’inconnue avec intérêt.

"Elle a seize ans, pensa-t-il. Mais il rectifia aussitôt: non, davantage ! Sans doute vingt-cinq ou vingt-six".

- Dites-moi, demanda Roussanov, où courriez-vous ainsi, à minuit, avec votre négatif ?

- A la poste, répondit la jeune fille. Vous comprenez, c’est une telle découverte...

Roussanov sourit. Il aimait les rencontres inattendues. Il se sentit immédiatement de meilleure humeur.

- Une découverte ? redemanda-t-il.

Deux grands yeux le regardaient avec un air de doute: fallait-il le dire ou ne fallait-il pas?

- Vous comprenez, j’ai découvert dans le spectre de l’étoile Procyon... mais est-ce que vous savez ce que c’est qu’un spectre ? Attendez, je vais tout vous expliquer...

Roussanov ne comprit pas d’un coup le sens du récit. La jeune fille parlait vite, demandant à chaque instant "Vous comprenez ?" Les événements n’étaient pas exposés dans leur ordre chronologique. Il faut deviner beaucoup de choses.

…A l’école, la jeune fille se passionne pour l’astronomie. Elle termine la faculté de physique. Envoyée à l’observatoire de haute montagne de l’Altaï, elle est déçue: au lieu de découvertes, il lui faut mener un travail minutieux de classification des photographies spectrales des étoiles. Après quatre mois de travail, il lui semble avoir fait une découverte. Le directeur de l’observatoire lui explique sèchement que c’est une erreur. Trois mois passent encore. Et à nouveau, c’est la joie d’une découverte... A nouveau une erreur. A nouveau une déception. Les mois passent. Elle travaille, travaille, travaille. Aucun romantisme. Seulement un nombre incalculable de photographies spectrales, des calculs, la classification.


Pas de découverte. Elle a l’impression qu’il en sera ainsi toute la vie. Et brusquement...

- Vous comprenez, tout d’abord je ne l’ai pas cru. Devant moi étaient disposés trois cent cinquante spectrogrammes de Procyon. Et, vous comprenez, on aurait dit un tableau composé de divers traits de plume. Cela arrive, n’est-ce pas ? Pour commencer, j’ai trié quatre-vingt-dix spectrogrammes parmi les trois cent cinquante. Tous les clichés avaient le même fond : les lignes des métaux non ionisés. C’est le spectre de Procyon et il est connu depuis longtemps. Mais outre cela sur chacun d’eux, j’ai aperçu les lignes d’un autre élément. Sur le premier les lignes de l’hydrogène, sur le second de l’hélium, sur le troisième du lithium... Et ainsi, jusqu’au thorium, le quatre-vingt dix-neuvième élément du système périodique. Vous comprenez, c’était comme si quelqu’un avait disposé à dessein tous les éléments dans l’ordre strict du système périodique. A cela, je n’ai trouvé aucune, vous comprenez, aucune explication naturelle! La seule possible, c’est qu’il s’agit de signaux envoyés par des êtres de raison.

- Vous pensez ? demanda très sérieusement Roussanov.

- Mais bien sûr ! s’exclama la jeune fille. Prenons l’exemple des sons. On les entend souvent dans la nature. Mais si vous entendez les mêmes sons disposés dans l’ordre de la gamire, c’est à coup sûr l’oeuvre d’un être pensant. J’ai eu peur de parler de cette découverte: s’il s’était agi encore une fois d’une erreur ! Ensuite, je suis partie en congé. Comme dans un rêve. Tout le long de la route, j’étais fâchée contre moi-même. Je pensais qu’il aurait fallu quand même le dire. Je suis arrivée, et toutes mes pensées étaient tournées vers l’observatoire...

Ils étaient toujours dans la ruelle, près ; du lampadaire. Roussanov, silencieux, regardait la forteresse de neige.

- Vous.., ne me croyez-pas? demanda-t-elle.

Roussanov n’y croyait pas plus que si on lui avait dit, par exemple, qu’un septième continent avait été découvert dans la Caspienne.

- Quel est donc votre nom, aimable jeune fille qui renversez les passants et photographiez les étoiles ?

- Alla... Alla Djounkovskaïa. Astronome.

"Alla... Alla Djounkovskaïa, astronome, répéta en lui-même Roussanov. Non, elle n’a pas plus de seize ans".

- Ne pourrait-on pas voir de plus près votre... comment dit-on, spectro-gramme ? demanda-t-il.

- Mais si, dit Djounkovskaïa. Venez, venez, vous verrez...

Pour le moment, Roussanov ne voyait qu’une chose: sa nouvelle connaissance cumulait de façon étonnante les traits propres aux adultes et aux enfants. La vie avait appris à Roussanov à comprendre les gens. "Pourquoi pas ?, pensa-t-il. Si brusquement, la vérité sortait de la bouche de cette enfant? D’ailleurs, ce n’est plus tellement une enfant... Un astronome", pensa-t-il en souriant.

- Vous comprenez, disait Djounkovskaïa. Lorsqu’une découverte est faite, elle semble simple et comme allant de soi. Réfléchissez un peu. Supposons que Procyon a un système planétaire. Supposons que les êtres pensants qui peuplent une de ses planètes aient décidé d’envoyer des signaux. Les ondes-radio ne conviennent pas. Elles se dispersent. Les rayons X et les rayons gamma ne conviennent pas non plus. Ils sont très vite absorbés. Le mieux, ce sont les oscillations électromagnétiques avec une longueur d’ondes intermédiaire, autrement dit, les ondes lumineuses, la lumière. Poussons plus loin notre raisonnement.


Que peut-on transmettre ? Qu’est-ce qui peut être compris par tous les êtres de raison ? Des lettres ? Elles sont différentes. Des chiffres? Il existe différents systèmes de calcul. Et en général, dans les mondes divers tout peut être différent. Sauf une chose. Le système périodique des éléments. Il est le même pour tous les mondes.

Roussanov leva la main. Djounkovskaïa s’interrompit à mi-mot. Ils s’arrêtèrent. Dans l’air gelé on entendait distinctement le carillon du Kremlin.

- C’est le Nouvel An, dit Roussanov.

Djounkovskaïa sourit sans rompre le silence.

Ils restèrent immobiles encore quelques instants, prêtant l’oreille aux sons du carillon qui s’éteignaient dans le lointain. Puis ils repartirent plus vite.

- Dites-moi, respectable astronome, demanda Roussanov, peut-être s’agit-il de processus quelconques en cours sur l’étoile ?

- Non ! Non ! La température de Procyon est toujours de 8.0000. Or, si l’on en juge par les lignes du spectre, la source de radiation a une température de plus de un million de degrés. Il s’agit d’un éclat de lumière provoqué artificiellement sur une des planètes de l’étoile. Sa puissance est colossa’.e. On a peine à l’imaginer... Et pourtant... Entrez, s’il vous plaît.

Plus de la moitié de la petite chambre de Djounkovskaïa était occupée par un piano et une vieille bibliothèque. Au mur on voyait une carte du ciel. La lampe verte posée sur la table découpait un rond de lumière dans la nappe brodée.

Djounkovskaïa pria Roussanov de s’asseoir et apporta un album. Un album tout à îait ordinaire, de ceux où l’on conserve les photographies de famille. C’était la première fois que Roussanov voyait des spectrogrammes et ils ne lui disaient absolument rien.

- Vous comprenez, c’est tellement invraisemblable... Je n’en crois pas mes yeux. Parfois, il me semble que je rêve. Je me réveille et tout disparaît.

Elle se tut. Quelque part, tout près, on entendait de la musique.

- J’ai choisi vingt-deux autres spectrogrammes. Tous ils sont différents du spectre habituel de Procyon. Vous comprenez, c’est une étoile qui ressemble à notre Soleil. Elle est de la classe spectrale cinq... Dans son spectre les lignes des métaux neutres: calcium, fer, sont très nettes. Et sur ces spectrogrammes, j’ai découvert des lignes absolument extraordinaires sur le fond habituel. Il ne s’agit plus d’un seul élément, mais de plusieurs à la fois. J’ai pensé que les 90 spectrogrammes précédents étaient en quelque sorte un alphabet. Et ces vingt-deux là forment déjà une lettre, une information...

- Est-ce que vous l’avez déjà déchiffrée? l’interrompit Roussanov.

Djounkovskaïa secoua la tête.

- Non. Je n’ai pas pu. Du point de vue de la logique il doit y avoir là un système très simple. Je ne sais pas... J’ai essayé sans réussir. Sur deux spectrogrammes... vous comprenez, je ne suis pas sûre de moi... Ne riez pas... Peut-être est-ce de l’autosuggestion... Je ne sais pas... Ces deux spectrogrammes ont tout de suite retenu mon attention. J’ai eu l’impression d’y voir quelque chose de bien connu, mais écrit dans une autre langue. C’est seulement dans le train en venant à Moscou que j’ai deviné... Vous savez sans doute que dans le système périodique les propriétés des éléments se répètent tous les huit numéros. Si l’on néglige le dernier numéro, on obtient une octave... Comme dans la musique. Les sons se répètent tous les sept tons. C’est cette octave que j’ai vue sur le spectro-gramme. On dit qu’il est dangereux pour les chercheurs d’être convaincu d’avance. Mais je voulais trouver dans les spectrogrammes des notes et je crois les avoir trouvées.

- Vous avez écrit cette... musique ?, demanda Roussanov et il sursauta: il avait eu l’impression que sa voix rendait un son étrange, comme si elle venait d’ailleurs.

- Oui, je l’ai écrite. Djounkovskaïa s’approcha du piano. Si vous voulez...

- Mais bien sûr, jouez donc, dit Roussanov à voix basse.

Il ne comprenait rien dans l’analyse spectrale. Mais il connaissait la musique. C’est elle qui devait répondre oui ou non. Et Roussanov était étreint par l’émotion.

Djounkovskaïa ouvrit le piano. Pendant une fraction de seconde ses doigts restèrent en suspens au-dessus du clavier. Puis ils s’y posèrent. Le premier accord retentit. Il avait quelque chose de troublant. Les sons jaillissaient et mouraient doucement. De nouveaux accords succédèrent aux premiers.


Pendant quelques instants Roussanov n’entendit rien d’autre qu’une étrange combinaison de sons. Puis la mélodie se fit jour. Ou plutôt deux mélodies se dessinèrent. Elles s’entrelaçaient et l’une d’elles, plus lente, portait l’autre, rapide," impétueuse. Les sons jaillissaient, s’éteignaient et leur combinaison évoquait à la fois quelque chose de douloureusement connu et d’étranger, d’incompréhensible. Les doigts de la pianiste se figeaient sur le clavier et brusquement reprenaient vie éveillant à nouveau l’étrange et double mélodie. Elle résonnait maintenant plus haut, plus fort, plus assuree. Elle appelait et, obéissant sans le vouloir à cet appel, Roussanov s’approcha du piano.

Il ne voyait plus rien, ni les murs, ni la table, ni la lampe, rien que les doigts qui couraient, rapides, sur le clavier. Cherchant à suivre le rythme sauvage de la musique, son cœur battait fébrilement...

Et la musique le fouettait, tantôt l’emportant dans son tourbillon, tantôt s’in-terrompant brusquement pour mourir avec une plainte. On y sentait à la fois tous les sentiments humains et aucun d’eux. Un instant, elle s’arrêta pour jaillir ensuite avec une force nouvelle. Non, pas pour jaillir, pour exploser. Dans un élan sauvage les sons s’envolèrent, se mêlèrent, puis... se figèrent. Seul l’un d’eux, doux, tendre, s’éteignit lentement comme la dernière lueur d’un bûcher consumé...

Le silence se fit, incroyablement tendu. Puis, des sons habituels, des sons de la Terre: le sifflet lointain d’une locomotive, des voix, firent irruption dans la piè-ce...

Roussanov s’approcha de la fenêtre. Eclatante, une étoile tremblait au-dessus des toits et sa lumière semblait elle aussi une musique mystérieuse et solennelle.


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